Sculptures nomades & pèlerinage de sens

Sur le chemin des Rameaux : itinéraire d’un cœur transformé



Une halte au bord du lac


J’étais installé près d’un lac à Libourne, à une vingtaine de kilomètres de Bordeaux. L’endroit était paisible, propice à la prière, à la méditation, à l’écoute. C’est dans ce lieu apparemment anodin que Dieu avait choisi de me parler une nouvelle fois.

Alors que je profitais du calme, la police municipale est venue à ma rencontre. En d’autres temps, cette visite aurait pu provoquer en moi de la méfiance ou de l’irritation. Mais depuis que je marche avec Dieu, mon attitude face à l’autorité a profondément changé. J’ai compris que les autorités humaines, tant qu’elles ne s’opposent pas à la loi divine, sont des instruments par lesquels Dieu agit dans nos vies.


« Que toute personne soit soumise aux autorités établies ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu. »
(Romains 13:1)

Ce jour-là, j’ai parlé avec respect, avec calme. Ce n’était pas une posture forcée, mais une véritable disposition intérieure. Dieu me les désignait comme mes supérieurs temporels, et d’une certaine manière, c’est à travers eux que Dieu me parlait.



L’obéissance dans la paix



L’un des agents me demande ce que je fais là. Je lui explique que je suis une semaine en avance pour une formation. Il me répond que je suis installé dans une zone protégée et que je dois la quitter. Ils veulent cependant s’assurer que je ne me retrouve pas sans solution. Je propose de marcher quelques kilomètres de plus pour trouver un nouvel emplacement, mais cela ne les satisfait pas.

Avec bienveillance, ils appellent directement l’organisme de formation. Dix minutes plus tard, une responsable de la coopérative que je dois intégrer me rappelle. Elle m’oriente vers une famille de vignerons en biodynamie, à Fronsac, une ville voisine. C’est ainsi que j’ai pu poser ma tente dans un cadre paisible, et bénéficier de l’eau et de l’électricité de cette charmante famille du coin.


« L’obéissance vaut mieux que les sacrifices. »
(1 Samuel 15:22)

Ce simple acte d’obéissance m’a permis de découvrir une nouvelle terre, de nouvelles personnes, et une mission inattendue.



Un travail de la terre, un travail de l’âme



En échange de l’hospitalité, je me suis mis au travail dans les vignes. Un travail rude, certes, mais profondément formateur. Je taillais des ceps frappés par la grêle. Une parcelle entière avait été dévastée. Je devais tailler très près du pied, ne gardant que ce qui pouvait encore porter du fruit.

En regardant ces bois coupés, mutilés, quelque chose a résonné en moi. N’était-ce pas une image de nos propres vies, parfois saccagées par les tempêtes ? Et pourtant, même dans ces ruines, Dieu fait naître la beauté.

« Toute branche qui porte du fruit, il la taille, afin qu’elle porte encore plus de fruit. »
(Jean 15:2)

En ramassant les sarments, j’ai eu une idée : et si je pouvais leur donner une seconde vie ? Je n’avais jamais sculpté du bois de vigne. Mais l’idée ne m’a pas quitté. J’ai tenté.

Le travail était complexe. Le bois, imprévisible, alternait des zones dures comme le granit et d’autres friables comme la craie. Mais dans cette difficulté, je trouvais une forme de dialogue. Ce n’était plus moi seul qui travaillais, mais une collaboration entre la matière et l’esprit.

De la vigne à l’art sacré



Jour après jour, j’ai transformé ces sarments abîmés en objets précieux : des pendentifs, des boucles d’oreilles, et bientôt des bracelets. Je choisis de ne pas créer d’anneaux : la symbolique du cercle est trop forte pour être faite avec un bois si fragile.

Chaque pièce porte une histoire. Une résurrection. Une forme de liturgie silencieuse.

« Je suis le cep, vous êtes les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure porte beaucoup de fruit. »
(Jean 15:5)

Ces créations m’ouvrent aussi aux autres. Les personnes de la région viennent les voir, s’y intéressent. Certains y perçoivent de la beauté, d’autres de l’émotion. Tous y voient quelque chose d’unique. Et moi, j’y vois une parabole : Dieu peut faire de nos échecs un terreau fertile. De nos ruines, il peut faire jaillir l’art, le témoignage, la grâce.



Les Rameaux : le roi humble entre à Jérusalem


Cette période de l’année, marquée par la fête des Rameaux, me parle plus que jamais. Cette fête rappelle l’entrée triomphale de Jésus à Jérusalem. La foule l’acclame, agite des branches d’olivier et de palmier, crie « Hosanna ! »… Et pourtant, ce roi n’est pas comme les autres : il entre monté sur un âne, dans une humilité totale.

« Réjouis-toi, fille de Sion ! Voici ton roi qui vient à toi ; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne. »
(Zacharie 9:9, cité dans Matthieu 21:5)

Ce jour marque le début de la Passion, mais aussi l’annonce d’un Royaume fondé sur la douceur, le service et l’amour. En taillant les vignes, en obéissant aux autorités, en sculptant le bois, je participe à ma façon à cette logique du Royaume. Une logique inversée, qui transforme la faiblesse en force, la blessure en beauté.



L’épreuve, passage vers la gloire



Les Rameaux sont ambivalents : c’est à la fois la gloire et l’ombre de la croix. Jésus, acclamé, sait qu’il va bientôt être rejeté, trahi, crucifié. Et pourtant, il avance. Confiant. Obéissant.

« Il s’humilia lui-même, se rendant obéissant jusqu’à la mort, même la mort sur la croix. »
(Philippiens 2:8)

En repensant à cette journée au bord du lac, je comprends qu’il s’agissait d’un petit rameau dans ma propre vie. Un moment d’humilité, d’obéissance, de dépouillement. Mais aussi un moment de paix, de résurrection intérieure, de réorientation.



Marcher en paix avec les Rameaux à la main


La fête des Rameaux n’est pas qu’un événement liturgique ou une tradition folklorique. C’est un appel à l’humilité, à l’obéissance, à la confiance. C’est un chemin que l’on choisit de suivre avec foi, même quand il mène à l’inconnu. Chaque branche agitée vers le ciel rappelle une prière silencieuse : « Viens, Seigneur Jésus. Règne dans ma vie. »

Aujourd’hui, je ne suis plus au bord de ce lac, mais ce moment m’habite encore. Il m’a appris que même dans les zones d’exclusion ou de rejet, Dieu prépare une demeure. Même dans les vignes brisées, il façonne des œuvres nouvelles. Et même à travers des rencontres inattendues — des policiers, des vignerons, des bouts de bois — Il trace pour nous un chemin.

« Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Hosanna au plus haut des cieux ! »
(Matthieu 21:9)