Votre panier est actuellement vide !
Sous les pavés, la paix
Je suis de retour à Poitiers. Je retrouve mes camarades de la rue, compagnons de poussière et de lumière. Leurs visages, creusés comme le mien par le vent, la faim et le doute, m’accueillent sans un mot. C’est une fraternité silencieuse, tissée dans les marges, où le cœur parle plus fort que les paroles.
Après plus de 24 heures de route, trois correspondances, des sièges glacés et l’inconfort du mouvement constant, il serait facile de sombrer dans la fatigue. Mais je ne lutte plus. Je ne cherche plus à plier la réalité à ma volonté. Ce serait un combat perdu d’avance.
Je lâche prise. Je laisse le monde être ce qu’il est. Je m’en remets à Dieu, comme on se laisse porter par un courant. J’ai découvert que l’abandon n’est pas une faiblesse, mais une puissance cachée. C’est une guerre douce, une guerre sans violence, une guerre que l’on gagne seulement en déposant les armes, en ouvrant les mains.
Je suis fatigué, oui, mais habité. Mon âme se pose un instant comme une colombe sur une branche. Le silence devient présence. Le vent sur mon visage devient bénédiction. Je sais que je ne suis pas seul. Il marche avec moi, invisible et fidèle, sur les chemins rugueux du quotidien.
Ce matin, je me suis arrêté au bord de la Vienne. L’eau coulait sans heurts, indifférente et libre. Dans ce flot, j’ai vu mon propre cœur — souvent encombré, mais capable de clarté. J’ai prié sans mot. Juste un regard levé. Une respiration lente. Et la certitude tranquille que tout a un sens, même l’attente.
J’écris ces lignes pour ne pas oublier que même dans le bitume, on peut entendre le ciel. Que même dans la fatigue, la grâce peut tomber, fine comme la rosée. Et qu’au fond de moi, il y a une maison où Dieu habite et m’attend toujours, même quand je m’égare.
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. » — Matthieu 11:28