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Les Héritiers de la Terre : Fraternité et Vérité dans la Rue

Un retour à la rue après Compostelle
Depuis novembre, je vis à Poitiers. Ce mois-là, je revenais des chemins de Compostelle, que j’ai arpentés pendant sept mois. Une errance physique et spirituelle qui m’a transformé, avant de me ramener à une autre forme de pèlerinage : la rue. En quelques semaines à peine, je suis devenu proche de celles et ceux qui, comme moi, n’ont plus de toit.
Ce lien s’est tissé naturellement, sans faux-semblants. Ici, pas de jeux de rôle, pas de masques sociaux. Ils sont tellement plus faciles à aimer que mon précédent entourage, celui du 7ᵉ arrondissement de Paris. Là-bas, les relations étaient souvent superficielles, conditionnées par l’apparence, l’intérêt ou le confort. Ici, c’est brut, sincère.

Une fraternité brute et indélébile
La fraternité que j’ai trouvée dans la rue me rappelle celle que j’ai connue à l’armée et en prison. Une solidarité sans fard, où l’on s’aime dans l’adversité, où l’on prend soin les uns des autres sans chercher à plaire. Loin des politesses hypocrites, nous vivons une forme d’amour brut, celui du compagnon de galère.
Le respect et l’affection ne sont pas conditionnés par la réussite ou la morale dominante. Mes amis de la rue sont toxicomanes, alcooliques, voleurs parfois. Et pourtant, ils partagent ce qu’ils ont, même lorsque leur propre survie est en jeu : une moitié de sandwich, la fin d’un mégot. Des gestes simples, mais d’une générosité infinie.
L’amour dans la vérité
Tout est vrai ici. Et il n’y a pas d’amour possible en dehors de la vérité. Aussi déplaisante soit-elle. Dans la rue, on ne triche pas. On connaît les défauts des autres, leurs failles, leurs douleurs, mais aussi leurs valeurs. On se souvient du prénom de celui qui partage un bout de trottoir avec nous. On reconnaît l’autre dans son humanité, sans artifices ni faux-semblants.
Certains d’entre eux m’ont déjà cassé la figure. Les tensions, la misère, la fatigue exacerbent les conflits. Mais malgré tout, je reste fier d’être leur ami. Parce que ce lien dépasse la violence, il appartient à quelque chose de plus grand : la survie, la fraternité, la reconnaissance mutuelle.
Les héritiers de la terre
Ces hommes et ces femmes, souvent invisibles aux yeux du monde, sont les véritables héritiers de la terre. Ils vivent au plus près de la réalité brute, loin des illusions du confort et du matérialisme. Leur existence est une lutte quotidienne, mais elle porte aussi une sagesse que peu de gens comprennent.
Ils m’aiment comme j’ai toujours rêvé d’être aimé. Pas pour ce que je possède, pas pour ce que je représente, mais simplement pour ce que je suis. Avec eux, je trouve une forme de paix, une place dans un monde qui, pourtant, ne veut pas de nous.
