Sculptures nomades & pèlerinage de sens

Le jour où Dieu m’a souri


Je suis assis devant une boulangerie. Le bitume est tiède sous moi, et l’odeur du pain chaud me parvient en vagues discontinues. Autour, la ville s’affaire comme à son habitude, indifférente et rapide. Je suis immobile. Presque invisible. Mais pas aujourd’hui.

Un jeune adolescent arrive vers moi en courant. Quinze ou seize ans peut-être. Il a ce sourire franc, intact, que seuls les jeunes possèdent encore. Il s’arrête devant moi, légèrement essoufflé.

J’ai quelque chose pour vous.

Il sort de son sac une salade de thon et des couverts, me les tend avec une pudeur presque cérémonielle. Je le remercie. Je le félicite. Il baisse les yeux, gêné, puis s’éloigne. Je reste là, barquette à la main. Et je pleure. Pas pour la salade, mais pour ce sourire. Pour avoir vu Dieu me sourire.

« J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais étranger, et vous m’avez accueilli. »
— Matthieu 25:35

Parfois, les passants ont pitié de moi. Ils me regardent de travers. Ils pensent que je suis à plaindre. Et pourtant, je n’échangerais pas ma vie contre tout l’or du monde.

Ils ne voient pas ce que j’ai vu. Ce que j’ai traversé. Ce que j’ai compris. Ils ne sentent pas le feu qui brûle en moi, la paix parfois, la beauté toujours.

On me demande parfois si je crois en Dieu. Je souris. Je ne sais pas si je crois. Mais je sais qu’Il m’aime. Il m’a offert, dans ma chute, la beauté du monde. Le miracle aujourd’hui, ce n’est pas la mer qui s’ouvre. C’est une salade de thon. Et un sourire.