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Journal d’un pèlerin – Discernement au petit matin

Au réveil, ce matin, la chair souffre encore des marches de montagne accomplies cette semaine. Chaque muscle semble rappeler à ma mémoire les efforts fournis. Un léger frisson parcourt mon corps : il fait un peu froid. Pourtant, grâce à Dieu, je ne manque de rien. J’ai même de quoi me faire un café chaud. Une consolation simple, mais précieuse.
Malgré ce confort modeste, une réflexion de discernement s’amorce : dois-je prendre aujourd’hui une journée de repos ? Ne devrais-je pas m’éloigner de ce lieu pour ne pas susciter l’inquiétude des habitants par ma présence inhabituelle de pèlerin vagabond ? Ce genre de question est légitime, mais la frontière est mince entre le discernement éclairé et les pensées qui, subtilement, nous éloignent de Dieu en érodant la confiance.
Il faut rester vigilant, maintenir une attention particulière sur les faits, sans se perdre en conjectures. Les faits, ce sont ceux du moment présent : l’état de mon corps, mon niveau d’énergie, le climat, les signes extérieurs. L’instinct humain pousse souvent à extrapoler, à projeter vers l’avenir ; c’est là que le danger commence. Comme le disait saint Jean de la Croix : « Pour parvenir à goûter tout, désire avoir en rien goût. Pour parvenir à tout, désire posséder en rien. » C’est dans le dépouillement des spéculations que l’on perçoit la clarté de la volonté divine.
Et malgré tout, malgré ce travail intérieur de rigueur et d’honnêteté, il faut demeurer disponible à la volonté de Dieu, souple dans nos certitudes humaines. Un pas après l’autre. Lentement. Chacun de ces pas est sûr et délibéré, comme si l’on devait marcher en portant un verre d’eau rempli à ras bord, sans en renverser une goutte. Cette image me revient souvent : elle incarne la manière dont la grâce opère — silencieuse, fine, mais exigeante.
Car « Ce n’est pas dans l’agitation que Dieu se manifeste, mais dans la brise légère » (cf. 1 Rois 19,12). Il faut apprendre à marcher au rythme de cette brise. La patience devient alors un exercice de foi. Sainte Thérèse d’Avila disait : « Dieu seul suffit. » Une parole simple, mais inépuisable. C’est dans ce détachement du reste que l’on devient vraiment libre d’écouter.
La prière, enfin, est l’outil par excellence du discernement. Elle fait tomber la poussière de nos raisonnements et rend à l’âme sa clarté. Elle est, comme le dit saint Augustin, « le souffle de l’âme ». Sans elle, l’esprit se trouble. Avec elle, même les situations complexes s’éclairent. Et ce matin, c’est en priant, simplement, que je choisis d’écouter. Non pas ce que j’imagine, mais ce qui est. La réalité comme point d’ancrage, et Dieu comme guide.
Je ne suis qu’un pèlerin, un homme en marche. Mais aujourd’hui encore, je désire marcher avec Dieu, « car c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’être » (Actes 17,28).