Sculptures nomades & pèlerinage de sens

Un matin comme un autre, une vie en errance




J’évolue dans un monde où je suis l’un des plus vulnérables. Chaque matin, lorsque j’ouvre les yeux, je n’ai aucune idée d’où je serai le soir, ni même si je pourrai me nourrir. L’incertitude est mon lot quotidien. Parfois, comme en ce moment, j’ai froid. Mon corps frissonne sous l’effet d’un vent glacial qui semble me transpercer, autant que les regards indifférents des passants.

Aujourd’hui encore, j’ai tendu la main, espérant un regard bienveillant, une pièce, un mot d’encouragement. Mais au lieu de cela, j’ai récolté mépris et humiliation. J’ai vu des visages se détourner, des gestes de rejet, comme si ma simple existence dérangeait. Pourtant, au fond de moi, je sais que j’ai moi aussi, autrefois, manqué d’attention envers ceux qui souffraient.

L’orgueil m’a fait détourner les yeux, la facilité m’a fait ignorer la détresse. Et maintenant que je suis à terre, je comprends. Je mesure l’ampleur de ma propre médiocrité.

« Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux. »
(Matthieu 5,3




Le pardon : une lumière dans la nuit



Il m’est d’autant plus facile de pardonner ceux qui m’humilient que je m’humilie moi-même en repensant à mon passé. J’ai été celui qui pouvait aider, et j’ai choisi de ne pas voir. J’ai été celui qui jugeait sans comprendre. Et aujourd’hui, je suis celui qui endure le rejet.

Mais au lieu de la colère, c’est un étrange sentiment qui m’habite : la paix du pardon.

Je pardonne, car j’espère être pardonné moi-même. Je pardonne, car je ne suis pas meilleur que ceux qui me méprisent. Je les aime comme moi-même, pour l’amour de Dieu. N’est-ce pas là l’essence même de la foi chrétienne ?



« Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. »
(Matthieu 6,14)



Cependant, nous aurions tort d’y voir une simple équation morale. Il ne s’agit pas d’un calcul, ni d’un échange de bons procédés. C’est une grâce.




Voir à la manière de Dieu



Quand tout est perdu, quand il ne reste plus rien à quoi s’accrocher, une vérité éclate avec éclat : Dieu seul est ma force. Il m’apprend à voir le monde différemment.

Il m’accorde la grâce de voir comme Lui voit :

Depuis les pieds du pire des pécheurs, à hauteur de miséricorde.

Depuis l’abîme de ma propre faiblesse, où Sa force devient mon refuge.

Depuis l’ombre de mon errance, où Sa lumière éclaire mon chemin.


Dans cette posture d’humilité, je réalise une chose essentielle : ma propre incapacité à mesurer l’amour infini de Dieu. Mon esprit est trop limité pour en saisir la profondeur. Je ne peux qu’en être témoin, avec émerveillement et gratitude.



« Car mes pensées ne sont pas vos pensées, et vos chemins ne sont pas mes chemins – oracle du Seigneur. »
(Isaïe 55,8)




Une espérance qui dépasse la souffrance



Malgré le froid, malgré l’errance, malgré le rejet, une espérance demeure. Elle dépasse ma souffrance, elle dépasse mon état. C’est une certitude douce et puissante : Dieu ne m’abandonne pas.

Il est là, dans les regards compatissants, dans les mains tendues, même rares, même discrètes. Il est là, dans le sourire d’un enfant, dans le chant d’un oiseau au matin, dans la simple beauté du ciel.

Il est là, surtout, dans cette force invisible qui me permet de me relever, chaque jour.



« Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. »
(Matthieu 11,28)



Car si je suis à terre aujourd’hui, je sais que je ne le serai pas toujours.




Un cœur transformé par la grâce



La pauvreté, l’exclusion, l’humiliation ne définissent pas mon être. Ce qui me définit, c’est l’amour que Dieu a pour moi. Et cet amour est incommensurable.

Oui, je suis faible, oui, je suis vulnérable. Mais dans ma faiblesse, Dieu me fortifie. Dans mon errance, Il me guide. Dans ma souffrance, Il me façonne.

Et au bout du chemin, au-delà des épreuves, je sais qu’il y a une promesse : celle d’un amour éternel, celle d’une dignité retrouvée, celle d’une place dans la maison du Père.



« Il essuiera toute larme de leurs yeux, et la mort ne sera plus ; il n’y aura plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car l’ancien monde s’en est allé. »
(Apocalypse 21,4)



Ainsi, je continue mon chemin, les yeux levés vers le Ciel, le cœur habité par une paix que rien ni personne ne pourra me ravir.