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Prologue : La pierre que les bâtisseurs ont rejetée
Il est des dons que le monde refuse d’appeler tels. Des perles jetées aux pourceaux, foulées aux pieds, sans considération, sans discernement. La grande sensibilité en est un. On ne la célèbre point ; on la dissimule. Dès l’enfance, elle est moquée, comme si ressentir profondément était un crime. On la corrige comme une faute de comportement. On y appose les étiquettes cliniques et les remèdes. On l’oppose à la virilité, à la force, à la réussite sociale. On veut l’éteindre — comme si l’on pouvait faire taire une mer intérieure.
Pourtant, cette sensibilité est un feu sacré. Elle est le souffle même de Dieu dans l’argile humaine. Mais pour que ce souffle se lève comme un vent puissant, il doit d’abord passer par le désert de l’incompréhension, par le creuset de l’humiliation.
L’enfant aux yeux d’eau
« Avant que je t’eusse formé dans le ventre de ta mère, je te connaissais. » — Jérémie 1:5
Enfant, je portais en moi cette hypersensibilité comme un trésor caché. Mais le monde me faisait croire qu’il s’agissait d’un fardeau. On me la reprochait. On me disait : « Sois fort, arrête de pleurer, durcis-toi. » Comme si la tendresse était une faiblesse. Comme si l’amour devait être muselé.
Je regardais autour de moi, et je ne voyais que dureté, ironie, sarcasme. J’ai fini par croire que je devais devenir un autre, un être plus sec, plus rude, plus tranchant. Mais chaque tentative de me cuirasser m’enfonçait plus encore dans la douleur. Car celui qui renie son cœur finit par entendre ses propres pleurs dans le silence de ses nuits.
Le feu et l’enclume
« Il m’a conduit dans les ténèbres, et non dans la lumière. » — Lamentations 3:2
Alors, j’ai cherché à me transformer par les épreuves. Je me suis lancé dans des aventures brutales, pensant que le combat endurcirait mon âme. J’ai côtoyé la violence, j’ai goûté à l’indifférence, j’ai pactisé avec la froideur. Mais au lieu de devenir plus fort, je suis devenu plus sensible encore.
Mes larmes coulaient en silence. L’armure que je portais devenait un cercueil. Car l’âme n’est pas faite pour la pierre. Elle est faite pour la lumière. Et la mienne criait vers le ciel dans la nuit noire.
Le royaume inversé
« Les premiers seront les derniers, et les derniers seront les premiers. » — Matthieu 20:16
Dans ce monde, on glorifie la dureté. Les doux sont considérés comme faibles. Les bons sont appelés naïfs. Les chastes sont raillés comme des puceaux ridicules. Parlez d’amour véritable, et l’on vous rira au nez. Dites que vous croyez en la beauté de l’âme, et l’on vous regardera comme un niais, un rêveur, un demeuré.
Mais ce monde, dis-je, est ténèbres. Et c’est dans les ténèbres que l’on reconnaît les enfants de lumière. Ils brillent. Non par la force de leurs poings, mais par la force de leur compassion. Ils marchent à contre-courant, silencieux, parfois discrets, mais ô combien puissants dans l’amour qu’ils portent.
L’abîme et la lumière
« Celui qui s’abaisse sera élevé. » — Luc 14:11
Il n’existe qu’un seul lieu où l’on rencontre ces âmes semblables à des étoiles dans la nuit : sous les pieds du dernier des derniers. Il n’y a qu’un seul état où elles abondent : l’humilité totale.
L’humilité véritable, celle qui ne cherche pas à paraître, celle qui accepte d’être méprisée, oubliée, rejetée. C’est là, dans les larmes versées au pied de la croix, que se révèle la véritable grandeur.
La sensibilité, ce n’est pas la fragilité. C’est la capacité à ressentir l’écho du cœur de Dieu. Ce que le monde méprise, le ciel l’exalte. Ce que les hommes enterrent, Dieu ressuscite.
Conclusion : Les sentinelles du Royaume
« Le Seigneur est proche de ceux qui ont le cœur brisé. » — Psaume 34:18
À toi qui te crois trop sensible pour ce monde, sache que tu es taillé pour un autre Royaume. Tu es un témoin vivant d’un amour qui dépasse les cieux. Ne te renie pas. Ne cache pas ta lumière. Ne transforme pas ton or en fer pour plaire aux cœurs de pierre.
Car au dernier jour, ceux que le monde aura appelés “fous”, “trop émotifs”, “trop doux”, entendront une voix dire :
« Viens, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton maître. » — Matthieu 25:23