Sculptures nomades & pèlerinage de sens

🌿 Offrande sur le trottoir


Le sol comme autel

Ce jour-là, j’étais allongé sur le trottoir, le dos contre la pierre, le cœur entre deux silences. À côté de moi, un petit bol ébréché contenait toute mon espérance : un espace vide que la compassion pouvait remplir.

Une dame musulmane s’est arrêtée, m’a offert un sourire plein de tendresse, et a glissé un euro dans le bol, sans un mot. Plus tard, un homme m’a tendu un sandwich, simple et chaud. C’était mon dîner, tombé du ciel comme la manne dans le désert.

« Il a rassasié l’âme altérée, et comblé de biens l’âme affamée. »

(Psaume 107:9)

La mendiante des brumes

Elle est arrivée sans prévenir, vacillante comme une bougie au vent. Son regard était brouillé, ses pas incertains. Elle s’approcha du bol, y jeta un œil, puis releva la tête vers moi :

« Tu peux me donner ton euro ?… C’est pour boire une bière. »

Elle geignait comme un enfant privé de friandise. J’ai cru mal entendre. J’ai répondu, mi-hébété, mi-blessé :

« Tu veux une bière… et tu viens demander le seul euro d’un gars qui fait la manche ? »

Elle hoqueta, ivre et insistante :

« Mais j’ai besoin d’une bière… »

Le verset en embuscade

Mais alors, une voix. Pas forte. Une pensée tranquille, posée comme une plume sur ma conscience. Elle disait :

« Donne à celui qui te demande, et ne te détourne pas de celui qui veut emprunter de toi. »

(Matthieu 5:42)

Je venais tout juste de lire ce verset, dans le Sermon sur la montagne. Il ne disait pas : « Donne à celui qui mérite. » Il ne disait pas : « Donne si tu approuves la cause. » Il disait : donne.

« Si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire. »

(Romains 12:20)

Obéir plutôt que juger

Je voulais lui dire d’arrêter de boire. Mais cette réprimande aurait été un voile pour cacher ma peur de manquer, ou pire : mon orgueil. Or Dieu n’a pas soif de réprimandes. Il a soif d’obéissance.

« Ce que je désire, ce n’est pas vos sacrifices, mais votre amour ; ce ne sont pas vos holocaustes, mais la connaissance de Dieu. »

(Osée 6:6)

Alors j’ai tendu la main. Je lui ai donné l’unique pièce du jour. Elle est partie sans un merci, sans un regard. Mais moi, j’étais en paix.

Car ce jour-là, j’ai compris : ce n’est pas toujours à travers les anges que Dieu parle. Parfois, c’est dans le cri d’une âme ivre que le ciel murmure.

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La récompense silencieuse

Ce matin, à l’aube, j’ai ouvert mon livre bleu pour ma prière quotidienne. Le silence était encore suspendu sur la ville. Je tourne la tête… et là, juste à côté de moi, sur le sol, deux billets pliés ensemble en quatre : un de vingt euros et un de cinq. Posés là, comme tombés du ciel. Personne autour. Aucun passant. Juste moi, et cette offrande silencieuse.

« Donnez, et l’on vous donnera : c’est une mesure bien pleine, tassĂ©e, secouĂ©e, dĂ©bordante, qui sera versĂ©e dans votre sein. »

(Luc 6:38)

Je n’avais pas donné une pièce à une femme : j’avais donné mon cœur à Dieu. Et Lui, dans sa fidélité infinie, m’a montré qu’aucun acte d’obéissance n’est oublié.

🙏 Que celui qui a des oreilles pour entendre, entende.